Réduire l’empreinte carbone de l’industrie : l’enjeu du refroidissement

La gestion de la chaleur constitue un enjeu fondamental dans l’industrie. Le pilotage des processus industriels, souvent énergivores, nécessite un contrôle optimal des températures pour maintenir l’efficacité et la sécurité des installations. À mesure que les secteurs industriels se développent, la demande en refroidissement augmente, ce qui pose la question de son impact sur l’environnement. En effet, les systèmes de refroidissement traditionnels, qu’ils utilisent l’air ou l’eau, sont souvent gourmands en énergie et contribuent indirectement aux émissions de gaz à effet de serre (GES). Selon l’Institut International du Froid (IIF), les émissions de CO2 issues de la consommation électrique du secteur du froid sont équivalentes à environ 10 % des émissions mondiales liées à l’énergie[1].  Dans ce contexte, le refroidissement devient à la fois un défi complexe et un terrain d’innovation pour réduire l’empreinte carbone des filières.

Le refroidissement industriel repose sur des principes thermiques simples : dissiper la chaleur excédentaire générée par les équipements ou les processus. Cependant, la plupart des solutions existantes, telles que les refroidisseurs à eau ou à air, consomment une quantité d’énergie significative pour faire circuler les fluides réfrigérants ou maintenir une température stable dans les installations. Malgré leur efficacité, ces systèmes freinent les efforts de réduction énergétique dans l’industrie. Par exemple, les systèmes de réfrigération industrielle, tels que les compresseurs à compression mécanique, utilisent souvent des fluides frigorigènes à fort potentiel de réchauffement global (PRG), contribuant à l’effet de serre. Selon un rapport de l’Agence Européenne pour l’Environnement (AEE), ces systèmes génèrent environ 3 à 5 % des émissions mondiales de GES[1]. Un système de refroidissement mal conçu peut engendrer une surconsommation d’énergie, ou des déperditions thermiques inutiles, compromettant la performance énergétique. Moderniser la gestion thermique dans les industries permet de pallier ces écueils. Ces considérations prennent une résonance particulière dans certains secteurs où le refroidissement est une nécessité pour garantir qualité, sécurité et performance.

Que ce soit dans la métallurgie, la chimie ou la fabrication de produits électroniques, le refroidissement joue un rôle déterminant dans le bon fonctionnement des chaînes de production. Dans des secteurs comme la métallurgie, la production de chaleur à haute température est fondamentale, notamment lors de la transformation des métaux ou de la fonderie. Les équipements doivent être refroidis avec soin pour éviter des défauts de fabrication ou une dégradation des propriétés physico-chimiques du matériau. Pour l’industrie électronique, le défi est similaire : la gestion thermique des composants (processeurs, cartes graphiques, serveurs) est essentielle pour garantir la fiabilité et la performance des produits. Cette demande croissante, encore largement tributaire de technologies intensives en énergie, entre en tension avec les impératifs de décarbonation. Améliorer l’efficacité thermique tout en réduisant la consommation d’énergie est donc crucial pour éviter d’accroître l’empreinte carbone. L’IIF estime que les systèmes de refroidissement industriels représentent environ 20% de la demande mondiale en réfrigération[1], soulignant ainsi l’ampleur de l’impact environnemental du secteur.

Alors que la décarbonation est essentielle pour atteindre les objectifs climatiques, la réduction de la consommation d’énergie liée au refroidissement industriel est un levier intéressant. Les systèmes de régulation de la chaleur actuels, souvent gourmands en électricité ou utilisant des fluides à fort PRG, doivent évoluer pour répondre à des normes environnementales de plus en plus strictes. L’objectif : limiter les émissions de CO₂ et l’impact climatique. En parallèle, de nombreux industriels cherchent à intégrer des sources d’énergie renouvelable. Par exemple, les systèmes de refroidissement à air peuvent être améliorés par l’utilisation d’énergies solaires pour pomper l’air ou alimenter les compresseurs. L’intégration de l’énergie solaire pourrait significativement réduire les émissions de CO2. Les systèmes de refroidissement passif, qui ne nécessitent pas d’énergie mécanique ou électrique active, suscitent également un intérêt croissant, bien qu’ils restent limités à des applications spécifiques ou à des environnements adaptés. Au-delà des solutions actuelles, l’avenir du refroidissement se joue dans l’innovation et la transformation structurelle des systèmes thermiques industriels.

Face à l’urgence énergétique, les industriels doivent réinventer leurs infrastructures de refroidissement, en intégrant des technologies plus sobres et résilientes. Les innovations technologiques explorées, comme au sein du projet ATHENA du PEPR SPLEEN[1] – système de production de froid à partir d’énergie thermique intégrant un éjecteur dans le cycle à absorption ammoniac – eau – ouvrent la voie à des technologies thermiques plus économes en énergie. Toutefois, la transition vers des solutions durables nécessite une révision en profondeur des infrastructures industrielles existantes et des investissements dans des technologies de pointe. À terme, l’objectif est d’intégrer le refroidissement de manière plus intelligente et plus respectueuse de l’environnement, en utilisant des matériaux innovants, des procédés plus efficaces et des sources d’énergie renouvelables. Dans ce contexte, l’industrie a un rôle clé à jouer dans la réduction de son empreinte écologique. Repensés de manière durable, les systèmes de refroidissement peuvent devenir un levier stratégique de la transition industrielle.

[1] https://iifiir.org/fr/actualites/new-iir-figures-highlight-the-role-of-the-refrigeration-sector

[2] Air Quality in Europe – 2020 Report. https://www.eea.europa.eu/en/analysis/publications/air-quality-in-europe-2020-report

[3] Baha M., Hammami S., Dupont J-L. The role of refrigeration in global economy. 3rd edition. 60th

[4] Technical Brief on Refrigeration Technologies. International Institute of Refrigeration (IIR), Paris.

http://dx.doi.org/10.18462/iir.TechBrief.04.2025 [1] https://www.pepr-spleen.fr/projet/projet-athena/


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