Les pompes à chaleur dans l’industrie : un levier clé de la transition énergétique

Face à l’impératif de la décarbonation et à la hausse des coûts de l’énergie, l’industrie recherche des solutions thermiques performantes et à faibles émissions de CO₂. Pour les applications domestiques, les pompes à chaleur (PAC) se positionnent aujourd’hui comme l’une des technologies les plus prometteuses : en captant la chaleur de l’air, du sol ou de l’eau, elles convertissent une quantité d’électricité relativement modeste en une quantité beaucoup plus importante de chaleur utile, avec des coefficients de performance (COP) typiquement compris entre 2,5 et 6. A l’heure actuelle, leur capacité à « pomper » l’énergie thermique en fait aussi un choix adapté aux procédés industriels nécessitant des températures intermédiaires de 30 °C à 140 °C.
Pourquoi les PAC séduisent l’industrie
Réduction des émissions de carbone – Le remplacement de chaudières à gaz ou fioul par une PAC alimentée en électricité – idéalement renouvelable – diminue fortement le facteur carbone du chauffage. En outre, une étude de ADEME sur les performances réelles des pompes à chaleur (2025) montre que la pose d’une PAC permet de diviser par deux la facture d’énergie liée au chauffage par rapport à une chaudière fossile[1].
Efficacité énergétique accrue – Le COP traduit combien de kWh de chaleur sont produits pour 1 kWh d’électricité consommée.
Valorisation de la chaleur résiduelle – Beaucoup d’installations industrielles émettent de la chaleur à faible niveau (condenseurs, fours, séchoirs) qui peut être récupérée via une PAC pour préchauffer des flux ou pour des étapes intermédiaires. Par exemple, une usine a réinjecté la chaleur des fours de coulée dans un pré-chauffage du gaz naturel, économisant 2 GWh/an.
Flexibilité opérationnelle – Une PAC peut, selon les modèles, alterner entre chauffage, refroidissement et production d’eau chaude sanitaire. Cette flexibilité est un avantage dans les industries à besoins thermiques variables (brasserie, agroalimentaire, chimie).
Les différentes PAC industrielles
- Air-eau : prélève dans l’air extérieur, transfère vers un fluide caloporteur. COP typiquement entre 3 et 5.
- Géothermique (sol-eau) : sondes verticales ou horizontales dans le sol. COP meilleurs (4 à 6) mais coût initial élevé.
- Hydro-thermique (eau-eau) : source : nappe ou plan d’eau ; COP parmi les meilleurs (5 à 8) mais autorisations environnementales nécessaires. Le chimiste allemand BASF construit à Ludwigshafen, en partenariat avec MAN Energy Solutions, la plus grande pompe à chaleur industrielle au monde(≈ 50 MW thermiques)[1]. L’installation valorisera la chaleur fatale contenue dans l’eau de refroidissement et les gaz de procédédu steam cracker pour produire jusqu’à 500 000 tonnes de vapeur par ansans émissions directes de CO₂. Alimentée en électricité d’origine renouvelable, cette PAC permettra d’éviter environ 100 000 tonnes de CO₂ par an dès sa mise en service prévue en 2027.
Ce démonstrateur illustre le potentiel des pompes à chaleur eau-eau industrielles pour décarboner les procédés à forte demande de chaleur. - Systèmes hybrides : PAC + chaudière (ou autre technologie) pour couvrir les pics de demande ou les températures très élevées.
État de la recherche
La recherche sur les PAC industrielles évolue encore : améliorer les fluides, repousser les limites de température, optimiser l’intégration aux procédés, et développer des systèmes hybrides avec stockage ou énergies renouvelables.
Le projet REHEAT du PEPR SPLEEN s’inscrit directement dans cette dynamique : il développe une nouvelle génération de pompe à chaleur à compression de vapeur capable d’utiliser des réfrigérants réactifs à base d’acides carboxyliques et à faible impact environnemental, pour récupérer la chaleur résiduelle industrielle et la convertir en chaleur de niveau plus élevé, jusqu’à ~200 °C[1]. Le projet vise un prototype TRL4-HP (80–150 °C), avec un rendement estimé à ~70 % de l’efficacité de Carnot (contre 40-50 % actuellement)
Cet avancement permettrait d’élargir la plage d’application des PAC industrielles à des procédés jusqu’ici hors-portée, et d’accélérer l’intégration de la chaleur fatale dans les usines avec un bilan CO₂ amélioré.
Obstacles et leviers d’accélération
Le coût d’investissement initial reste un frein majeur, surtout pour les solutions géothermiques ou hautes températures. Les incitations publiques, les financements verts (green bonds) et les modèles économiques innovants sont essentiels. Le besoin en compétences techniques (dimensionnement, intégration, maintenance) est important ; le monitoring en temps réel est susceptible de favoriser l’appropriation. Enfin, l’intégration électrique doit être anticipée : la montée de puissance des PAC peut être associée à des sources renouvelables ou à un stockage pour limiter les pics de consommation.
Perspectives futures
- Fluide frigorigène à faible PRG (potentiel de réchauffement global) et zéro PAO (potentiel d’appauvrissement de la couche d’ozone).
- Digitalisation et contrôle prédictif (capteurs IoT, algorithmes d’optimisation).
- Hybridation avec stockage thermique pour découpler production et demande.
- Déploiement dans les nouvelles constructions industrielles et les retrofits, stimulé par la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments industriels[1].
Conclusion
Les pompes à chaleur représentent aujourd’hui un levier technologique majeur pour les industries souhaitant réduire leurs coûts énergétiques et émissions de CO₂. Leur potentiel de contribution sur la baisse des émissions de CO2 était estimé par l’IEA en 2022 à 500M de tonnes d’ici 2030[2]. Leur capacité à valoriser la chaleur résiduelle, à offrir une flexibilité opérationnelle et à atteindre des COP élevés les rend particulièrement adaptées aux procédés industriels à température moyenne. La recherche ambitionne de faire progresser ces technologies vers des températures plus élevées, des rendements améliorés et une intégration renforcée, pour favoriser des installations bas-carbone, en phase avec les objectifs de neutralité climatique à l’horizon 2050.
[1] https://librairie.ademe.fr/batiment/8634-avis-sur-les-performances-reelles-des-pompes-a-chaleur.html
[1] https://www.basf.com/global/en/media/news-releases/2024/10/p-24-300
[1] https://www.pepr-spleen.fr/projet/projet-reheat/
[1] Directive (UE) 2024/1275 du Parlement européen et du Conseil du 24 avril 2024 sur la performance énergétique des bâtiments https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=OJ:L_202401275
[2] https://www.iea.org/reports/the-future-of-heat-pumps
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