Vers une gestion du carbone industriel ambitieuse pour l’UE 

En février dernier, la Commission européenne a publié une communication à l’intention du Parlement européen, du Conseil, du comité économique et social européen et au comité des régions intitulée « vers une gestion du carbone industriel ambitieuse pour l’UE ».

Si la consommation de combustibles fossiles utilisés pour produire de l’énergie devrait diminuer de 40% en 2040 par rapport en 2021, pour plusieurs raisons (développement des énergies renouvelables, de l’économie circulaire, de l’écologie industrielle, efficacité énergétique, réforme du système de quotas d’émissions ETS et déclin accéléré des émissions industrielles de CO2), certains secteurs industriels nécessiteront toujours un recours aux énergies fossiles, ou seront émettrices de CO2 intrinsèquement lié au procédé notamment pour la chaleur industrielle, avec des possibilités d’atténuation limitées. La cimenterie, l’aciérie, les procédés industriels utilisant du gaz naturel, ou les applications industrielles liées aux activités de raffinage, d’incinération de déchets, ou de production de chaleur thermique, sont concernées en premier lieu.

Visuel issu de la communication de la Commission européenne

C’est dans ce cadre que le développement des technologies de capture, stockage et utilisation du CO2 représente une opportunité pour réduire l’empreinte carbone de filières industrielles difficiles à décarboner. 

Le Net Zero Industry Act prévoit un objectif de 450 millions de tonnes de CO2 captées et stockées chaque année dans l’Union européenne, afin d’atteindre l’objectif de neutralité climatique. Les objectifs intermédiaires sont également ambitieux : 50 Mt de CO2 en 2030, 280Mt en 2040.

Graphique issu de la communication de la Commission européenne

Pour atteindre ces objectifs, le développement d’une chaîne de valeur de la gestion du carbone industrielle doit être soutenu, afin de disposer d’un marché européen, en créant les infrastructures nécessaires et soutenant les projets, solutions et innovations pour susciter des technologies viables d’un point de vue énergétique, environnemental et économiques, et commercialisables. 

Dans cette optique, il importe à la Commission de mettre en place une stratégie de la gestion du carbone industriel, fondée sur la capture et le stockage de CO2 (CCS), l’élimination du CO2 de l’atmosphère, et l’utilisation et la valorisation du carbone capté (CCUS). Le dénominateur commun dans ces enjeux réside dans le développement d’infrastructures de transport de CO2 (vers le site de stockage et le lieu d’utilisation).

De nombreux aspects devraient être appréhendés pour créer un environnement propice au développement et à l’intensification de projets et stratégies industrielles basées sur la gestion du carbone industriel : réglementaires (sécurité et minimisation de l’impact environnemental du CCS, normes liées au stockage géologique du carbone, accès aux infrastructures, certification, pureté du CO2 capté, procédures pour obtenir des permis pour développer les infrastructures, standards de qualité, prise en compte des émissions négatives…), économiques (développement d’un marché, coût des technologies et investissements initiaux, avantage comparatif par rapport à l’achat de quotas carbone, mise en place de modèles commerciaux viables et rentables), technologiques (incitations au développement des technologies de CCUS, besoins énergétiques élevés de certains procédés de CCUS ou d’élimination du carbone dans l’atmosphère, efficacité énergétique), sociétaux (connaissance et acceptabilité des technologies, sensibilisation et débat public sur la gestion du carbone industriel, conditions d’exploitation des projets) ainsi que géostratégiques (accords commerciaux pour la capture, le transport et stockage de CO2 avec des pays hors-UE, reconnaissance de sites de stockage dans des pays tiers, connexion des infrastructures intra-européennes, cadres internationaux de tarification du carbone…). En outre, les difficultés liées aux coûts élevés et forts besoins énergétiques de procédés de captage direct du CO2 dans l’atmosphère (DACCS, direct air capture & storage) ou les besoins importants en ressources naturelles induits par la capture biogénique de CO2 à partir de centrales électriques ou procédés industriels (BECCS ; Bioenergy with Carbon Capture & Storage) doivent être adressées, notamment par la recherche et l’innovation, pour assurer la durabilité environnementale et énergétique de ces technologies.

Ces problématiques doivent être traitées, afin de surmonter plusieurs contraintes ralentissant le développement de la chaîne de valeur de gestion du carbone industriel, selon la Commission européenne : incitations insuffisantes pour des investissements prouvant la pertinence de la chaîne de valeur, coordination et planification insuffisantes dans les zones frontalières, risques transversaux liés à la chaîne de valeur du CO2 (responsabilité en cas de fuite, indisponibilité d’infrastructures de transport ou de stockage), absence d’un cadre réglementaire complet pour l’ensemble de la chaîne de valeur, difficultés à constituer un dossier commercial viable (forts investissements initiaux nécessaires, incertitude sur les prix futurs du CO2…). Le développement d’infrastructures associées, par exemple pour le transport et la distribution d’hydrogène renouvelable pour l’industrie et les transports, pourrait inciter à un usage accru du CO2 pour la production de e-méthanol et de carburants synthétiques.

La Commission européenne estime que d’ici 2040, un tiers du CO2 capté pourrait être réutilisé. A cette échéance, la plupart des chaînes de valeur fondées sur la capture, le stockage et l’utilisation du CO2 devront être devenues viables économiquement, afin de respecter les objectifs climatiques européens. Capter les émissions difficiles à éliminer serait alors une solution largement répandue dans les secteurs industriels concernés par cet écueil.  Pour tendre vers cet objectif, le déploiement commercial à grande échelle des solutions technologiques de captage, stockage et utilisation du carbone est nécessaire, afin de limiter les coûts et défaillances du marché et rendre cette option technologique attractive pour les industriels. Le développement de la filière à l’échelle européenne doit s’accompagner de la mise en place d’un cadre réglementaire et politique incitatif, favorisant le maillage d’infrastructures sécurisées, l’autonomie énergétique, l’acceptabilité sociale des technologies de stockage, des synergies entre les mondes académiques et industriels, et la coopération avec des acteurs situés dans des pays-tiers. 


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